Avec l’introduction de la nouvelle loi fédérale sur les jeux d’argent en 2019, l’offre de jeux de hasard en ligne a été légalisée pour les consommateurs en Suisse. Cela a permis aux casinos suisses titulaires d’une licence de lancer des offres en ligne pour leurs produits. En quatre ans, ce marché licencié des casinos en ligne suisses est passé de 23 millions de francs (2019) à 285 millions de francs (2023). Dans le même temps, des prestataires illégaux ont également jeté leur dévolu sur le marché suisse. Selon une étude commandée par l’Association suisse des casinos, ceux-ci ont réalisé un chiffre d’affaires d’environ 180 millions de francs en 2023. [1]

La légalisation du marché a permis aux entreprises titulaires d’une licence de faire de la publicité pour leurs produits de manière légale et strictement réglementée. Aujourd’hui, cependant, le marché publicitaire suisse est également utilisé par des entreprises opérant illégalement et sans licence en Suisse. Fanny Rocchi, responsable du service juridique de KS/CS, montre dans une interview à quel point il est difficile de mettre en œuvre la loi de manière cohérente dans la réalité.

Quelles sont les règles applicables aujourd’hui lorsqu’une entreprise souhaite faire de la publicité pour ses jeux d’argent en ligne ?

En Suisse, la publicité pour les jeux de hasard et d’argent en ligne n’est en principe autorisée que si l’opérateur dispose d’une autorisation officielle et/ou d’une extension de concession. Cela signifie que toute personne qui n’est pas autorisée à proposer des jeux en ligne légaux, tels que des jeux de casino ou des loteries, n’est pas non plus autorisée à en faire la publicité.

En 2025, seules Swisslos, la Loterie Romande et dix casinos suisses sont autorisés à proposer et à promouvoir des jeux en ligne. Tous les autres prestataires de jeux de hasard en ligne agissent donc illégalement s’ils rendent accessibles et font la promotion pour des jeux de hasard en ligne sans coopérer avec des prestataires suisses et sans autorisation. La publicité pour les jeux d’argent en ligne non autorisés est expressément interdite, les liens vers des sites web menant à des plateformes de jeux d’argent illégales étant également concernés par cette interdiction.

Si une entreprise est officiellement autorisée à faire de la publicité pour des jeux de hasard en ligne en Suisse, elle doit néanmoins respecter des règles strictes. La publicité trompeuse ou intrusive est par exemple interdite. De plus, la publicité ne doit pas s’adresser aux mineurs ou aux personnes exclues. La publicité clandestine, c’est-à-dire la publicité qui n’est pas clairement identifiable comme telle ou qui s’intègre discrètement dans d’autres contenus, est également interdite.

Il existe également des directives de conduite de la Commission suisse pour la loyauté, qui fixent des règles pour les jeux de hasard, par exemple pour l’organisation de jeux-concours ou de paris avec participation du public. Celles-ci visent à garantir que ces offres sont conçues de manière équitable et responsable.

Quels sont les défis à relever en matière de publicité en ligne, en particulier pour la publicité relative aux jeux de hasard ?

Malgré les interdictions légales, des publicités pour des jeux de hasard en ligne provenant de prestataires non autorisés apparaissent régulièrement. En règle générale, ces entreprises ne disposent ni d’une concession suisse valable ni d’une autorisation et ne sont donc pas autorisées à proposer des jeux d’argent en ligne ni à en faire la publicité en Suisse. Selon la loi suisse, l’accès aux jeux d’argent en ligne illégaux doit être bloqué. La Commission fédérale des maisons de jeu (CFMJ) et l’autorité intercantonale Gespa tiennent une liste publique des noms de domaine qui proposent des offres de jeux de hasard non autorisées, principalement étrangères.

Si des infractions sont constatées, elles peuvent être signalées à l’autorité compétente, à savoir la CFMJ ou la Gespa. Ces instances peuvent ensuite engager une procédure administrative ou porter plainte auprès de l’autorité pénale compétente.

Les plateformes Internet sont également tenues par la loi de ne pas diffuser de publicité illégale. Quiconque diffuse de la publicité clandestine, des contenus trompeurs ou de la publicité pour des jeux d’argent non autorisés enfreint la loi sur les jeux d’argent et s’expose à une amende.

La lutte contre la publicité illégale en ligne est particulièrement difficile lorsque les exploitants de plateformes sont basés à l’étranger. Souvent, les plateformes ne réagissent qu’avec retard aux signalements d’infractions, et ce généralement une fois que la publicité interdite a déjà été diffusée. À cela s’ajoute le fait que les auteurs de publicités en ligne sont souvent difficiles à identifier. La grande quantité de contenus publicitaires et le fait que de nombreuses annonces ne soient diffusées que pendant une courte période compliquent encore davantage l’application efficiente de la loi. Des mesures efficaces nécessitent donc une collaboration étroite entre les autorités publiques, les exploitants de plateformes, les plateformes publicitaires, les fournisseurs d’accès à Internet, les autorités de poursuite pénale et la société. Dans la pratique, cette interaction s’avère toutefois souvent difficile, ce qui fait de la lutte contre la publicité illégale pour les jeux de hasard un défi de taille.

Ce sujet est-il également abordé au niveau politique ?

Sur le plan politique, des initiatives visant à lutter contre la publicité illégale et les contenus illicites sur les plateformes internet sont régulièrement déposées. Il est particulièrement difficile de faire respecter les lois existantes, notamment en collaboration avec les grandes plateformes en ligne et les annonceurs étrangers sur lesquels ces contenus sont diffusés. Il reste donc beaucoup à faire dans ce domaine. Les plateformes elles-mêmes peuvent contribuer de manière importante à réduire ces défis en se conformant à la législation suisse en vigueur et en luttant consciencieusement contre la publicité illégale.

 

À propos :

Fanny Rocchi, responsable du service juridique KS/CS, est avocate au sein du cabinet bernois Schluep IP Law AG, spécialisé dans le droit de la propriété intellectuelle, le droit de la concurrence et le droit de la publicité. En tant que membre de l’équipe KS/CS, elle accompagne tous les processus législatifs et se tient à la disposition des membres pour leur fournir des informations juridiques.

 

 

 

 

[1] KPMG Suisse (avril 2024) Le marché suisse des casinos en ligne (non licenciés). p. 2 Consulté sur : https://www.switzerlandcasinos.ch/fileadmin/user_upload/KPMG/Zusammenfassung_D_Report_KPMG.pdf